Accueil. Cycle de Shaedra, Tome 7: L'esprit Sans Nom

19 Fusées d’étoiles

Assis sur des bancs, dans les jardins du Palais, Spaw nous racontait toutes ses péripéties depuis que nous nous étions séparés.

— Eh bien, j’ai passé un mois à travailler comme piqueur sur le Chemin du Soleil qu’ils sont en train de faire, et puis, lorsque vous êtes sortis de prison et que j’ai appris que vous alliez bien, mais que vous auriez du mal à sortir facilement de là, j’ai décidé de rendre visite à… —Il jeta un coup d’œil discret sur Kaota et Kitari, qui se promenaient tranquillement dans le jardin. Il baissa la voix— : Zaïx. —Aryès et moi, nous échangeâmes un regard surpris—. En passant par la Forêt de Pierre-Lune, j’ai rencontré un ami de mon ancien instructeur et, comme celui-ci ne doit pas savoir où se trouve… mon père, j’ai dû alors faire certains détours pour le dérouter, vous comprenez ? Il y a deux jours, je suis revenu à Dumblor et me voici.

— Et pour quelle raison as-tu utilisé le collier, si tu pouvais venir à pied ? —m’enquis-je, les sourcils froncés.

Spaw se racla la joue, embarrassé.

— J’ai été mêlé à une bagarre. Des personnes malveillantes me suivaient et j’ai dû utiliser le collier… —Il se racla la gorge devant nos expressions sceptiques—. Bon, c’est un peu plus compliqué que ça —avoua-t-il—, il s’agit d’un travail que j’ai fait il y a des années, avec mon ancien instructeur. Cela n’avait pas tourné comme nous l’espérions et il se trouve que l’un des lésés dans l’affaire, un type totalement dénué de bon sens, s’est installé à Dumblor et maintenant il souhaite ma mort. En gros, c’est cela —conclut-il.

— Terrifiant —commenta Aryès, en caressant Syu, qui passait sur ses genoux—. Alors, l’expédition te conviendra tout à fait. Nous nous éloignerons de Dumblor et il n’y aura plus de problème.

— Il reste encore deux semaines —observai-je.

— En deux semaines, on a le temps de mourir un bon nombre de fois —affirma Spaw, moqueur.

Syu montra ses dents au démon et je souris.

— Syu dit qu’en deux semaines tu peux vivre bien plus que mourir —traduisis-je.

Spaw prit un air songeur.

— Tout à fait. Ce gawalt est malin comme un démon.

“Non. Comme un gawalt”, rectifia Syu dans mon esprit, en grimpant sur le dossier du banc. “Les saïjits ont vraiment du mal à comprendre ce point”, soupira-t-il.

Nous continuâmes à bavarder, en passant à des sujets moins graves, et, lorsque les cloches du Temple sonnèrent, Aryès et moi, nous nous levâmes.

— Où allez-vous ? —s’étonna Spaw, surpris par notre brusque mouvement.

— À la leçon quotidienne du capitaine Calbaderca —répondîmes-nous sur un ton las.

Alors, Spaw nous adressa un large sourire.

— Une escorte, de bons repas, des habits de luxe… Tout ne peut pas être que des avantages —nous dit-il sur un ton optimiste—. Bonne leçon.

* * *

Les derniers jours avant le départ furent beaucoup plus calmes. Le capitaine Calbaderca cessa de nous donner des leçons, nous ne faisions plus de cérémonies aussi longues le matin et tous se préoccupèrent davantage des préparatifs que des Sauveurs et de la dernière Klanez. Malgré la Feugatine, nous avions obtenu que Spaw s’installe dans notre chambre. Kaota et Kitari semblaient un peu gênés par cette nouvelle présence, mais ils n’émirent aucune protestation. La plus grande partie de la journée, Aryès, Kyissé et moi, nous jouions, nous bavardions et nous nous promenions dans les jardins. Spaw, par contre, passait beaucoup de temps à la bibliothèque du palais. On aurait dit qu’il cherchait quelque chose. Cependant, à aucun moment il ne mentionna de quoi il s’agissait.

La veille du jour fatidique, mes assauts d’impatience se multiplièrent.

“Où es-tu, Lénissu ?”, demandai-je pour la énième fois en m’adressant au néant, tandis qu’allongée sur le matelas, je contemplais, l’air égaré, le plafond de la chambre.

Le singe souffla, comme il le faisait depuis un quart d’heure déjà.

“Si nous faisions une partie de cartes ?”, suggéra-t-il alors.

J’acquiesçai et je m’assis prestement.

“Bonne idée”, approuvai-je. Syu s’assit sur Frundis et quelques notes de guitare envahirent mon esprit à travers le kershi.

Je pris le tas de cartes que je gardais dans mon sac et nous commençâmes à jouer. Nous en étions à la troisième partie lorsque Kaota entra dans la chambre et balaya la pièce du regard, alarmée.

— Où sont Aryès et Kitari ?

— Ils sont partis il y a un moment —répondis-je—. À l’armurerie. La Feugatine est venue dire à Aryès qu’il avait besoin de choisir une arme.

Kaota, dont les cheveux gouttaient encore après son bain, secoua la tête.

— Le capitaine Calbaderca m’a dit que je ne devais te laisser seule sous aucun prétexte.

— Je ne suis pas seule, je suis avec Syu —la tranquillisai-je.

Kaota observa le singe avec curiosité.

— À quoi jouez-vous ? —demanda-t-elle, en s’approchant.

— À l’arao —répondis-je.

— Le nom me dit quelque chose, mais je n’y ai jamais joué —avoua-t-elle.

— Jamais ? Eh bien, assieds-toi et je t’apprends —lui dis-je.

Kaota se mordit la lèvre, elle sourit, ôta ses bottes, posa son épée pour être plus à l’aise et s’assit sur le large matelas en croisant les jambes.

— Bon ! —s’exclama-t-elle avec enthousiasme—. Comment joue-t-on ?

Je lui expliquai les règles du jeu et j’ajoutai :

— Et fais attention à Syu. Parfois il triche.

“Je ne triche pas avec des débutants”, répliqua très dignement le singe.

Nous nous amusâmes en faisant des plaisanteries sur le jeu et en divaguant comme trois nérus. Au bout d’un moment, Kitari et Aryès revinrent, ce dernier avec sa nouvelle arme.

En la voyant, j’éclatai de rire.

— Une lance ? —m’écriai-je, stupéfaite.

Aryès poussa un immense soupir.

— La Feugatine voulait me donner un espadon —répliqua-t-il.

Je m’esclaffai, morte de rire, m’imaginant Aryès portant l’énorme espadon de Stalius.

— L’armurier l’a convaincue que c’était une absurdité et finalement je me suis décidé pour cette lance. —Il haussa les épaules—. Au moins, je pourrai m’appuyer dessus comme toi avec Frundis.

— Tout à fait —approuvai-je, en essayant de reprendre une respiration normale.

Aryès roula les yeux devant mon large sourire et il déposa la lance contre le mur.

— Alors comme ça vous jouez une partie de cartes ?

— Shaedra m’a appris à jouer à l’arao —acquiesça Kaota—. Quand je pense que je joue avec un singe, je n’en crois toujours pas mes yeux.

“Elle parle de moi ?”, s’enquit Syu, curieux.

“Je ne crois pas qu’elle parle de moi”, raisonnai-je, amusée.

Syu se gratta la tête et prit un air songeur. Je souris avant de croiser le regard inquisiteur d’Aryès. Il voulait savoir si, cette nuit, je tenterais de nouveau d’aller chez le Nohistra, compris-je. Je roulai les yeux.

“Syu, si tu réussis à parler à Aryès, dis-lui que j’ai réfléchi et que j’ai décidé que le mieux, c’était de quitter Dumblor avec l’expédition, avec ou sans Lénissu.”

“Hmpf, Aryès ne m’entend pas toujours”, répliqua le singe. Mais, à en voir son expression approbatrice, il sembla bien qu’Aryès avait entendu mon message.

— Je sais que je perds toujours, mais… je peux jouer ? —demanda-t-il, en s’asseyant à côté de moi.

— Oui, mais ne regarde pas mes cartes —grommelai-je, en les dissimulant.

Finalement, nous jouâmes tous. Au bout d’un moment, je leur appris aussi le kiengo, puis Kitari sortit son propre jeu de cartes pour nous apprendre le jeu du taonan. Nous étions en pleine discussion philosophique sur les règles du jeu, lorsque Spaw entra, nous vit et nous adressa un large sourire.

— Je l’ai enfin trouvé —déclara-t-il, exalté, en brandissant une feuille.

Nous le regardâmes, déconcertés.

— Trouvé quoi ? —demanda Aryès.

— Euh… Eh bien —répondit Spaw, comme s’il revenait à la réalité—. Je dis des bêtises. Ne vous préoccupez pas, continuez à jouer aux cartes… J’ai oublié quelque chose —ajouta-t-il, avant de ressortir de la chambre précipitamment.

Aryès et moi, nous échangeâmes des regards pensifs. Alors, contre toute attente, Kaota se mit à rire.

— Quel type bizarre ! —dit-elle, en secouant la tête.

— Il l’est —répondis-je dans un murmure. Cependant, outre le fait d’être bizarre, il était clair qu’il avait trouvé quelque chose qui lui paraissait important. Mais quoi ?

Cette nuit-là, je dormis d’un sommeil agité. À un moment, j’étais attaquée par des monstres horribles qui m’attrapaient chaque fois que je tentais de m’enfuir. Après avoir tant lutté, je me réveillai et je me redressai. Sans pouvoir l’éviter, un sourire se dessina sur mon visage en voyant la lance d’Aryès contre le mur.

* * *

En grande pompe et avec toute l’ostentation du monde, les participants à l’expédition partirent du palais jusqu’aux abords de Dumblor, escortant par la rue principale la Fleur du Nord, assise sur un palanquin. Les Sauveurs, nous cheminions auprès d’elle, cherchant du regard un visage familier. Mais il n’y avait pas trace de Lénissu… Je soupirai, découragée, en avançant à travers la foule. Syu, très joyeux, avait grimpé sur le palanquin, près de Kyissé, et il attrapait au vol les fleurs que les gens lançaient. Un père hissa même son fils de quelques années pour que Kyissé l’embrasse sur le front et le bénisse. Je dus reconnaître que Kyissé avait une patience incroyable.

En parcourant la rue, je me souvins des paroles de la Feugatine. “Quatre mille kétales.” Je réprimai un sourire ironique. L’elfe noire voulait nous donner ces quatre mille kétales au retour de notre expédition. Eh bien, qu’elle les garde, grognai-je pour moi-même. Après tout, peut-être bien que nous ne reviendrions jamais…

Soudain, plusieurs fusées de lumière blanche furent lancées et brillèrent quelques instants en émettant des détonations. Sous ces petits feux d’artifice qui dansaient entre la pierre et la foule, en virevoltant, nous avancions tous d’une marche régulière. Quelques aventuriers souriaient, la mine triomphale, tandis que d’autres gardaient une expression imperturbable et austère.

“Quand vont-ils arrêter de crier pour que je puisse me concentrer ?”, se plaignit Frundis.

“Tu vas composer quelque chose de nouveau ?”, m’enquis-je, intriguée.

“C’était mon intention, quand je me suis réveillé, mais tout de suite il est impossible de se concentrer”, répliqua le bâton.

“Tu vas avoir tout le temps de te concentrer”, lui assurai-je. “Ce voyage, théoriquement, va être long.”

“Là où on va, il y a des arbres ?”, me demanda Syu, en sautant sur mon épaule, déjà fatigué de faire des sauts sur le palanquin.

“Eh bien… Je suppose qu’il devrait bien y en avoir quelques-uns”, répondis-je.

“Tu n’en as aucune idée”, conclut le singe, découragé.

Je fis une moue.

“Bon, ne te tracasse pas, peut-être qu’en chemin Lénissu viendra et qu’il nous tirera tous de cette expédition. Ce serait ce qui pourrait nous arriver de mieux”, ajoutai-je, avec espoir.

“Mais tu ne crois pas que ça arrivera”, compléta Frundis, très perspicace.

“Bon, peut-être que Lénissu va arriver avec tout une armée d’Ombreux pour effrayer tous nos valeureux voyageurs. Alors, il ne nous manquera plus qu’à rejoindre la Superficie. Marévor Helith pourrait nous aider en créant un de ses monolithes”, observai-je, moqueuse, tandis que nous sortions enfin à découvert, dans l’immense caverne de Dumblor.

Plus nous nous éloignions de Dumblor, plus j’avais l’impression que cette expédition, comme tant d’autres organisées pour explorer le château de Klanez, allait échouer irrémédiablement. Je ne pouvais m’empêcher de douter que Kyissé soit réellement la descendante des Klanez et qu’elle soit capable d’annuler les énergies instables de cet endroit.

Je jetai un coup d’œil en arrière. Kaota et Kitari nous suivaient de près. Derrière, Dumblor disparaissait entre les colonnes de roche. Nous continuâmes à marcher pendant des heures. Beaucoup bavardaient gaiement, en essayant de connaître leurs compagnons de voyage. Peu habitués à marcher dans des cavernes aussi grandes, Aryès et moi, nous nous taisions, appréhensifs. Kyissé, fatiguée d’être portée sur un palanquin, en descendit brusquement et courut vers nous.

— Moi, je marche avec Shaedra et Aryès —déclara-t-elle.

— Oh ! —m’exclamai-je, agréablement surprise—. Tu viens de prononcer mon nom comme il faut, Kyissé.

La fillette m’adressa un grand sourire, elle me tira par la manche et me tendit une fleur bleutée. Elle ouvrit la bouche, la referma et se mit à parler en tisekwa pour m’expliquer :

— C’est une gwinalia. C’est la fleur de la chance. Je veux que tu la gardes.

Je ne sais pas pourquoi, à cet instant, en observant la belle fleur et les yeux sincères de Kyissé, un souvenir surgit dans mon esprit, celui de Sayn me donnant une rose blanche avant de partir. “Une rose blanche te montre toujours le bon chemin”, m’avait dit l’humain contrebandier qui, deux ans auparavant avait perdu la vie dans un jugement injuste.

Kyissé perçut mon hésitation mais, avant qu’elle ne s’étonne réellement de mon silence, je tendis la main et je pris la fleur, émue.

— Merci, Kyissé. C’est une belle fleur.

— Presque autant que la Fleur du Nord —intervint une voix.

Je me retournai, surprise, et je me trouvai face à un jeune garçon aux cheveux noirs et au visage couleur de paille où brillait un sourire très blanc.

— Yélyn ! —m’exclamai-je, stupéfaite—. Que fais-tu ici ?

— Bonjour —répondit celui-ci, avec désinvolture—. En réalité, je ne devrais pas être là, mais je me suis faufilé et j’ai suivi mon frère. Chamik fait partie de l’expédition parce que son maître en herbologie lui a demandé de le remplacer. Son maître, lui, finalement, s’est défilé, le lâche.

— Yélyn, s’il te plaît, parle avec un peu plus de correction —le pria la haute silhouette d’un caïte qui marchait auprès du jeune de Meykadria. C’était Chamik, son frère botaniste—. En réalité —dit-il, en s’adressant à Aryès et à moi—, mon maître n’a rien d’un lâche. En fait, il n’a pas pu participer parce qu’il s’est cassé la jambe il y a deux jours. Et il m’a demandé de le remplacer. C’est tout naturel.

Je me souvins avec une certaine difficulté du visage du biologiste auquel j’avais attaché le bracelet, deux semaines auparavant. C’était un homme un peu âgé, mais il paraissait énergique et en pleine forme.

— Dommage —répondit Aryès—. Mais je me réjouis de vous voir ici.

— Qui aurait imaginé que vous seriez les Sauveurs —dit Yélyn, en riant—. Et moi qui pensais que vous étiez des poules mouillées de la Superficie…

— Yélyn ! —protesta Chamik, courroucé—. C’est très impoli de parler de la sorte aux Sauveurs.

— Ne t’inquiète pas, je suis loin d’être quelqu’un de courageux et je l’assume parfaitement —acquiesça Aryès—. Ce n’est pas parce que nous sommes les Sauveurs que nous estimons moins la vie.

Alors, je m’aperçus que Kaota et Kitari observaient les deux nouveaux interlocuteurs avec une certaine méfiance et j’intervins :

— Kaota, Kitari, je vous présente Yélyn et Chamik. Yélyn est venu de Meykadria avec nous. Et Chamik étudie l’herbologie et la médecine. Voici Kaota et Kitari, nos gardes du corps —expliquai-je aux deux caïtes—. Ils sont frères aussi.

— Enchantés —répondirent-ils tous, en inclinant légèrement la tête.

À partir de là, nous parlâmes avec plus de naturel. Apparemment, Chamik avait voulu renvoyer Yélyn à Meykadria, mais celui-ci avait refusé catégoriquement. En tout cas, il fallait reconnaître que ce garçon ne manquait pas de courage. Nous parlions des progrès de la médecine et du laboratoire de Chamik lorsqu’une voix résonna :

— Halte ! Nous faisons une pause.

C’était Calbaderca, le capitaine qui dirigeait l’expédition. Comme toutes les Épées Noires, il portait une armure d’ivoire noire, résistante et légère. Son visage reflétait tout le charisme d’un bon commandant. Sincèrement, j’éprouvai un grand respect pour ce ternian, Capitaine des Ombres, qui, pour le moment, avait démontré qu’il était une personne aux principes élevés et au cœur bon.

La pause dura à peine une demi-heure. Nous mangeâmes, nous nous reposâmes quelques minutes et nous continuâmes à avancer au milieu d’un paysage de roches, de stalagmites et de stalactites, parsemé, de temps à autres, de champignons multicolores. Les deux aventuriers qui s’étaient proposés pour porter la Dernière Klanez marchaient devant nous, soutenant le palanquin vide.

À un moment, je croisai le regard d’Aryès et je fis une moue amusée.

— Et dire que nous sommes là à cause d’un tremblement de terre —dis-je, en faisant allusion au séisme qui avait créé un énorme précipice au beau milieu des montagnes des Extrades, nous obligeant à fuir par le Labyrinthe, puis par les Souterrains—. Ce monde est rempli de hasards et nous n’arriverons sûrement jamais à comprendre le destin des saïjits.

— Probablement pas —approuva Aryès—. Mais je ne crois pas que le tremblement de terre ait à voir avec notre destin. Le coupable de tout, c’est le troll.

— Tu as pris ce troll en grippe —observai-je, amusée.

— Cela m’a impressionné de le voir de si près —répliqua-t-il.

— Mais peut-être que le troll nous a montré le bon chemin —intervint Spaw, théâtral—. Sérieusement. N’importe quel sage se poserait la question. Comme tu disais, Shaedra, tout a un rapport avec le destin.

Je roulai les yeux.

— Oui, mais le destin est censé avoir un objectif. Il y en a toujours un dans les histoires. Et nous, nous nous retrouvons mêlés à cela, uniquement par une série de… choses —finis-je par dire, omettant d’autres mots qui me venaient à l’esprit.

— Mais maintenant nous avons un objectif. Ne sommes-nous pas en train de vivre la légende des Klanez ? —répliqua Spaw, avec une lueur étrange dans les yeux.

— Et le destin serait le château de Klanez, hein ? Un drôle d’objectif ! —soufflai-je.

— Pas si mauvais —commenta le démon—. En réalité, peut-être que c’est même un très bon objectif.

Aryès et moi, nous le regardâmes avec un certain étonnement. Spaw semblait avoir accepté le voyage au château de Klanez avec beaucoup d’optimisme.

— Bon —dit Aryès—. Spaw a raison. Il faut voir le côté positif des évènements. Sans le troll, je n’aurais probablement jamais eu une lance aussi magnifique que celle-ci.

Frundis et moi, nous laissâmes tous deux échapper un petit rire railleur. Je ne sais pas pourquoi, cela m’amusait de voir Aryès avec une lance.